L’archipel des métaverses

L’archipel des métaverses

Ils sont aussi séduisants que les sirènes, attirant les proies pour les garder dans leurs îles. Les métavers sont les sirènes du Web : ils proposent des mondes virtuels recréés avec les techniques 3D, animés et interprétés également à l’aide de l’intelligence artificielle pour simuler la vie et les émotions. Mais ce sont des « îles » à part. Chacun avec ses propres apparences et fonctions, ses propres règles et ses propres utilisateurs.  Il n’y a pas un seul métaverse, il y en a plusieurs. Et ils ne sont pas interconnectés, car chacun appartient à un Big Tech ou à quelque société de financement.

Nous ne pouvons pas encore parler de « Web3.0 » à propos de métavers. Le Web est universel, accessible à tous et ouvert à tout utilisateur qui souhaite l’enrichir de contenus. Il est basé sur des standards de communication valables pour tous. C’est le Réseau. Les métavers, bien qu’en ligne, ne forment pas un réseau, ils ne répondent pas aux normes. Ils s’adressent à des publics différents, ils ont des objectifs différents et ils sont chacun construits avec des technologies différentes. On peut les considérer comme une sorte d’Archipel de mondes virtuels. Pour l’explorer voici une première carte, bien sûr non exhaustive.

LES DIFFÉRENTES PLATEFORMES DES MÉTAVERSES

POUR LE TRAVAIL

Horizon Workrooms de Meta
C’est la plateforme de travail virtuel et collaboratif au cœur de la nouvelle stratégie annoncée par Mark Zuckerberg en octobre 2021. Investissement : 50 millions de dollars.

Mesh for Teams de Microsoft
Métaverse pour les entreprises annoncé le 2 novembre 2021. Basé sur la réalité mixte : avatars et hologrammes dans des réunions immersives.

POUR LE SOCIAL ET LES JEUX

Second Life
Lancé en 2003 par Linden Lab à San Francisco il est le pionnier des mondes virtuels : le premier réseau social 3D peuplé d’avatars avec activités ludiques et commerciales Chiffre d’affaires : 500 millions de dollars en 18 ans.

Roblox
Né dans la Silicon Valley en 2004, dédié aux jeux vidéo avec des avatars comme protagonistes. En 2021, il a atteint 160 millions d’utilisateurs, principalement des adolescents.

POUR LES INVESTISSEMENTS

The Sandox
Start-up née en 2012 pour le jeu mobile. Après un financement de 93 millions de dollars de Softbank, il est devenu en 2021 un métaverse associé aux NFT pour vendre des biens virtuels : œuvres d’art, fashion, terrains. 10 millions d’usagers sont prévus en 2022.

Decentraland
Comme Sandox est la rencontre entre la réalité virtuelle et les NFT (Non fongible token): une place de marché pour vendre des espaces virtuels et des objets créés en 3D, qui sont payés en crypto-monnaie. Des grandes marques ont déjà débarqué.

A gauche l’avatar de Zuckerberg, Pdg de Meta, en réunion dans son métaverse Horizon

LE MÉTAVERSE ET LE COMMERCE : LE CAS ITALIEN

Il y a des immeubles de bureaux, des magasins, des cinémas, des salles de jeux, des campus universitaires et des centres d’exposition. Un hôpital en télémédecine est également sur le point d’ouvrir et il y a même un port avec des yachts amarrés. Pourtant c’est un lieu qui n’existe pas, une ville immatérielle. Il s’agit du premier Métaverse italien, celui de Coderblock. L’idée est déjà dans le nom : « Coder », pour programmer, « Block » pour brique. « La seule limite est l’imagination : avec notre moteur 3D propriétaire, nous pouvons créer des environnements et des expériences immersives personnalisées. La ville virtuelle prend forme à partir de l’intégration des différents environnements « , explique Danilo Costa, 33 ans, diplômé en informatique, qui après des expériences à Milan et à Londres est revenu à Palerme, sa ville natale, pour fonder Coderblock, aujourd’hui une PME innovante. Le chiffre d’affaires en 2021 a augmenté de 109% par rapport à 2020. Et en mars, Coderblock a conclu une campagne de financement, levant 820 000 € auprès d’environ 500 investisseurs sur Internet. En récompense, les nouveaux membres reçoivent des environnements virtuels à utiliser. « Notre plateforme propose des environnements virtuels 3D personnalisables à la location ou à l’achat » explique Costa. « Vous pouvez entrer dans le métaverse avec le navigateur, même depuis un smartphone. Les clients n’ont rien à programmer, ils peuvent choisir leurs avatars et le type d’environnements, modifier l’architecture et l’apparence selon leurs besoins ». Une activité réussie a été celle des congrès : du premier, le Start-up Italia Open Summit, avec 140 start-up et des milliers de participants en 2020, au Milan Fintech Summit en octobre 2021. En novembre dernier, Coderblock a accueilli le premier salon de la bande dessinée virtuelle, Cospladya. Cette année le Campus Party Spotligh, une rencontre universitaire internationale, et en février eCommerce Revolution, une conférence organisée par 4eCom (promoteur du made-in-Italy).

Adit Gadgil explorant une galerie à Decentraland

Le modèle est Decentraland, le métaverse où sont déjà ouvertes les boutiques de grandes marques.

 La prochaine expérience sera peut-être sur le tourisme : Empeeria, une agence sicilienne pour les voyages intelligents s’apprête à atterrir dans le métaverse . « Nous créons 8 visites virtuelles pour notre site internet afin d’aider à découvrir les destinations siciliennes en réalité virtuelle et le métaverse peut être un puissant outil de marketing pour faire de la visite d’un lieu en 3D une expérience à vivre plus tard dans le voyage réel », déclare Tony Cirnigliano, fondateur d’Empeeria.

« Le métaverse émerge comme un univers hybride réel et virtuel, c’est un nouveau modèle économique qui peut intéresser de nombreuses entreprises » explique Lorenzo Montagna, fondateur de SecondStarVR, société de conseil. « Jusqu’à présent, il a été utilisé par les marques de mode principalement pour atteindre la génération Z, mais les opportunités sont de vendre à la fois des biens virtuels et réels ». Sensemakers a mené une enquête le mois dernier pour comprendre comment le consommateur italien le voit. « Un Italien sur trois ne sait toujours pas ce qu’est le métaverse. Il y a une forte polarisation des intérêts : 62% des personnes interrogées se disent intéressées, un pourcentage qui monte à 70% pour les hommes, à 80% pour les jeunes de 18-24 ans, mais descend à 55% pour les femmes », indique Fabrizio Angelini, PDG de Sensemakers. « La majorité, 51 %, considère le métaverse non seulement comme un environnement entièrement virtuel, mais comme une réalité parallèle capable d’affecter la vie réelle et dans laquelle effectuer les mêmes activités de la vie quotidienne ». Le premier « OnMetaverse Summit » s’est tenu à Milan le 21 avril, une véritable rencontre au SuperStudioPiù de la Via Tortona, et un recontre virtuel dans le SuperStudio Cyberspace. La start-up IgoodI, la première usine italienne d’avatars, a montré à cette occasion The Gate : une cabine automatisée qui scanne une personne à 360 degrés pour créer son jumeau numérique. IgoodI travaille sur une nouvelle génération d’avatars, si réalistes qu’ils reproduisent les personnes non seulement dans leur apparence physique, même avec des données de mesure (poids, taille). Le corps numérique peut être utilisé pour essayer des vêtements ou pour faire des entraînements sportifs, il aura aussi des applications en télémédecine. Une autre start-up italienne, la milanaise InVRsion qui travaille pour le « 3D Commerce », a levé 6,5 millions d’euros en capital-risque. Pour Nestlé, elle a créé un magasin virtuel qui reproduit en détail un supermarché. « Nous avons commencé par la simulation des magasins physiques et maintenant nous voulons amener le commerce de détail dans la réalité virtuelle immersive » explique Matteo Esposito, fondateur et PDG de InVRsion « Pour cela, nous avons besoin de jumeaux numériques très précis des produits. Nous travaillons avec The Khronos Group, l’association américaine qui a proposé un standard open-source pour le 3D Commerce. Elle compte de grandes entreprises comme Amazon, Target, Ikea. Le problème est de réduire les coûts de réalisation des copies virtuelles ». L’avez-vous résolu ? « Nous avons inventé un outil de numérisation pour prendre des images d’objets, qui sont analysées par un algorithme d’IA puis traitées par des techniciens 3D pour obtenir le jumeau numérique du produit. » J.P. Morgan estime le chiffre d’affaires des actifs vendus dans les métaverses à 54 milliards de dollars à l’année.

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