Intelligence Artificielle : pourquoi les pessimistes ont tort

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Intelligence Artificielle : pourquoi les pessimistes ont tort

par Morgane Soulier
notre experte « IA Génératives »

Le débat sur l’intelligence artificielle générative est souvent dominé par le pessimisme. En mars, une enquête de YouGov a révélé que la majorité des américains étaient « prudents » ou même « inquiets » à propos de l’IA, avec seulement un sur cinq se déclarant « optimiste » ou « enthousiaste ». Environ 40% craignaient que l’IA ne mette fin à l’humanité.

En France, les entreprises sont globalement conscientes de l’impact potentiel de l’intelligence artificielle générative sur leurs activités, mais elles restent relativement attentistes. Selon une étude menée par le Groupe Dékuple et OpinionWay, 93 % des dirigeants ou décisionnaires interrogés considèrent l’IA générative (IAG), capable de créer du contenu, comme une vraie révolution. Pourtant, 39 % d’entre eux n’ont entamé aucune réflexion ou en sont seulement au stade de la réflexion sur le sujet.

Ces craintes reflètent une tendance humaine à se concentrer sur ce que le changement technologique peut nous faire perdre plutôt que sur ce qu’il peut nous apporter. Les progrès de l’IA entraîneront des perturbations, mais la destruction créatrice a aussi ses avantages. Les nouvelles technologies résolvent souvent les problèmes qu’elles créent, et nous le voyons déjà avec l’IA, un phénomène qui ne fera que croître dans les années à venir.

L’arrivée de ChatGPT en novembre 2022 a ainsi suscité des inquiétudes dans le milieu éducatif. A Sciences Po, on a même annoncé l’interdire avant de revenir sur des propos tournés vers un accompagnement éclairé de son usage chez les étudiants. Les enseignants craignaient que les élèves utilisent cette IA générative pour tricher. Cependant, la même technologie qui pourrait permettre des abus offre également des solutions pour les détecter et les prévenir.

L’IA générative peut également améliorer la qualité de l’enseignement et de la formation. Le modèle traditionnel de la salle de classe ou du présentiel pour les formations continues montre ses limites face à la diversité des aptitudes et des modes d’apprentissage des élèves. L’IA pourrait jouer le rôle de professeur particulier, adaptant son approche aux besoins individuels avec une aide spécifique pour ceux qui sont en difficulté. En parallèle, les enseignants et formateurs peuvent déjà bénéficier de l’assistance de l’IA pour concevoir leurs cours et organiser l’enseignement.

Les préoccupations concernant l’impact de l’IA sur la démocratie sont également répandues. On redoute les « deep fakes » et la désinformation. Les risques sont bien réels, et les dérives déjà nombreuses. Pourtant, la technologie qui permet ces trucages offre aussi des moyens de les contrer. Récemment, OpenAI a intégré des filigranes dans toutes les images générées par ChatGPT, Midjourney a interdit la génération d’images mettant en scène Donald Trump ou Joe Biden, et Instagram a ajouté une mention « généré par l’IA » pour toutes les images concernées.

La question de la sécurité est complexe. Si l’IA peut créer des armes offensives plus efficaces, elle peut aussi améliorer les défenses. Sundar Pichai, PDG de Google, a annoncé des avancées significatives dans la cyberdéfense grâce à l’IA, augmentant de 70% la détection de scripts malveillants et triplant l’efficacité dans le repérage des fichiers dangereux. De même, dans le domaine militaire, les technologies d’IA utilisées pour des attaques de drones peuvent également servir à les contrer. Pour mieux comprendre le phénomène Alain BAUER, professeur en criminologie, nous donne sa vision de l’usage du numérique dans la résolution d’enquêtes dans le podcast Now Futures.

Enfin, beaucoup craignent que l’IA ne remplace leur travail. Cette peur, souvent basée sur un modèle économique à somme nulle, ignore que l’IA générative, comme toute innovation, créera de nouveaux biens et services nécessitant une main-d’œuvre humaine, des employés pour gérer de nouvelles offres. Par exemple, le développement de l’IA générative nécessite des spécialistes en IA pour former et affiner les modèles, des éthiciens pour garantir une utilisation responsable, des créateurs de contenu pour travailler aux côtés de l’IA, et des techniciens pour maintenir et améliorer l’infrastructure. De plus, des emplois seront créés dans les domaines de la formation et du support pour aider les entreprises et les utilisateurs à s’adapter à ces nouvelles technologies. Comme l’ont montré l’économiste du MIT David Autor et ses collègues, la majorité des emplois actuels ont émergé après 1940, à la suite de précédentes avancées technologiques.

Le débat sur l’IA générative met massivement l’accent sur les perturbations potentielles. Pourtant, les progrès technologiques ont toujours eu le potentiel de créer autant que de perturber. Je le dis souvent (mais je n’ai rien inventé), un couteau peut servir à tuer ou à se nourrir. A nous d’en faire un usage à bon escient.

L’histoire des innovations telles que l’imprimerie, le moteur à vapeur et l’électricité nous montre bien que, malgré les risques et les perturbations, nous ne voudrions pas revenir en arrière. Nous devons avoir confiance – sans être complaisants – dans le potentiel des IA génératives pour nous améliorer notre quotidien. Au risque de pas s’adapter au monde qui vient.