Génération Z, les acteurs de la virtualisation

Génération Z, les acteurs de la virtualisation

Il était une fois le monde physique et la vraie vie.

Avant l’année 2000 on pouvait grandir sous l’œil attentif des personnes qui vivaient autour de nous, famille, voisins, école, amis. On pouvait se rencontrer dans les places, dans les bibliothèques ou dans les salles de jeux. On s’informait avec la télé, la radio, les magazines. Et pour communiquer avec des personnes éloignées, il y avait les mots : des discussions au téléphone. Puis vinrent les textos : SMS sur les premiers smartphones, emails et blogs sur Internet, petites notices de 140 caractères sur Twitter. Et pour raccourcir les textes, des émoticônes ont commencé à être utilisées, la première phase de la virtualisation des émotions.

Ils ont été les prémices d’un monde numérique déjà très lointain, répandu pendant des décennies, mais aujourd’hui considéré comme « ancien » par les adolescents. Les enfants de la génération Z (nés entre 1997 et 2010) ont grandi alors que l’iPhone s’est imposé, transformant les téléphones en smartphones, Internet est devenu mobile et omniprésent, Facebook a introduit l’habitude des rencontres virtuelles sur les réseaux sociaux (également avec des amis virtuels, jamais rencontrés dans la vraie vie), la musique s’est dématérialisée, les vidéos sont devenues à la demande, le e-commerce a virtualisé les achats, les jeux d’arcade sont passés dans le plateformes en ligne.

Et depuis 2020, à cause de l’épidémie de Covid, même l’école est devenue virtuelle pendant de longs mois, privant les enfants du dernier bastion des rencontres physiques avec leurs pairs. Désormais quand les adolescents sortent de l’école et ils disent « à plus tard », cela s’entend « en ligne », dans les réseaux sociaux ou les plateformes de jeux où ils se retrouvent pour des activités ludiques à travers leurs Avatars. Mais l’avatar est un alter-ego. Ce n’est pas vraiment vous, c’est une représentation de ce que vous voulez être, de ce que vous voulez faire. Une façon, comme le selfie, de se « mettre en scène ».

Dans le tableau le « timeline » des générations:

La phase de numérisation de la société que nous avons connue de 2000 à 2020 est désormais terminée. Nous sommes rentrés dans une nouvelle phase de la vie virtuelle dans laquelle les relations et la communication ne sont plus dans le monde physique, elles sont de moins en moins textuelles, car l’image domine. La pratique des selfies en a été le premier signe : les mots ne sont plus nécessaires pour dire où je suis ou ce que je ressens. Je prends une photo et je vous la montre. Vous voulez savoir ce que je peux faire ? Voici une courte vidéo tournée depuis le smartphone.

Les jeunes de la génération Z communiquent ainsi, immédiatement. Ils sont tout le temps en ligne, mais ils ne perdent pas de temps à écrire des messages (posts) ou à télécharger des photos sur Facebook. Les ados préfèrent les réseaux sociaux basés sur l’image : TikTok, Snapchat, Twitch. Ils ont poussé ainsi la croissance exponentielle du réseau social chinois TikTok, qui, conquérant aussi l’Occident, est passé de 245 millions d’utilisateurs en 2018 à 1,5 milliard aujourd’hui. Les jeunes britanniques passent en moyenne une heure par jour sur TikTok, tandis que 60% des ados Américains utilisent le réseau social chinois et 69% Netflix pour regarder des vidéos au quotidien. Un récent rapport du Pew Research Center indique également que 40% des utilisateurs de la génération Z ne s’adressent pas à Google pour rechercher des informations, ils préfèrent rechercher sur TikTok. S’exposant ainsi au risque de fake news, généralisées sur les réseaux, ou à une dépendance vis-à-vis des influenceurs dominants.

Une autre étude révèle que 54% des jeunes utilisateurs préfèrent se laisser guider par l’algorithme qui les conseille sur le réseau social, sans se rendre compte du risque d’addiction. Byte Dance, la société mère de TikTok, est l’un des leaders chinois de l’intelligence artificielle. Justement les recommandations hyper-personnalisées du moteur de recherche sont un facteur de fidélisation, qui a tiré la croissance de sa communauté.
Au cours des trois dernières années, pour la population numérique entre 18 et 24 ans, le temps passé par jour sur TikTok est juste derrière YouTube, le site preféré pour la consommation des vidéos.

Dans le tableau: la variation de temps dedié par jour par la population numérique de 18-24 ans aux différents réseaux sociaux pendant les deux dernières années (Novembre 2019-Novembre 2021)

La génération Z a été aussi la première à peupler les « Métavers » les plus connus tels que Roblox ou Decentraland, déjà à partir des consoles de jeux. Dans les prochaines années, les métavers seront l’évolution du monde numérique d’aujourd’hui: des communautés virtuelles et des lieux représentés en 3D non seulement pour s’amuser, mais aussi pour apprendre, travailler, comparer des expériences.

Le problème est que les business models des Gafam, comme on l’a vu jusqu’à présent, est basé sur la possibilité de retenir les utilisateurs jusqu’à l’addiction par des stimuli visuels et auditifs, qui dans le métaverse risquent d’être encore plus amplifiés. Il faut donc proposer aux nouvelles générations une utilisation plus équilibrée et plus sage de l’univers numérique. Sans perdre de vue les valeurs qui ont été à la base de la création du Web : liberté de choix, inclusivité, interconnexion au travers de standards ouverts et interopérables. Si seules les grandes entreprises construisent leurs métavers, comme des jardins de propriétaires et non communicants, nous risquons de tomber dans une sorte de  » Moyen Âge numérique et virtuel », dominé par les barons du moment.

Marco Landi et Chiara Sottocorona

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