IA et spatial – n° 3
Le spatial et l’intelligence artificielle : l’IA au service de la cybersécurité des systèmes spatiaux !

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L’ingénierie des systèmes spatiaux est l’une des disciplines de l’ingénieur des plus avancées, en raison de la complexité technique de ces systèmes, du peu de marge autorisée résultant de contraintes physiques extrêmes, et des difficultés rencontrées pour les maintenir. Leur conception doit tenir compte d’un facteur critique : les systèmes spatiaux sont fragiles, tant d’un point de vue matériel – ils doivent être légers, la redondance de leurs composants est limitée – que logiciel – les signaux qu’ils transmettent sont faibles pour économiser l’énergie. Leurs composants numériques sont désormais omniprésents et rendus accessibles à distance pour favoriser leur maintenance. Ils sont donc particulièrement sensibles à d’éventuelles cyber-attaques, leur cybersécurité est difficile à garantir.

Les événements récents popularisent auprès du grand public ce que les spécialistes n’ignoraient pas : des cyberattaques contre au moins trois systèmes spatiaux distincts (KA SAT1, Starlink2, GPS3) ont eu lieux depuis fin février 2022, allant du brouillage brutal et incapacitant, au très sophistiqué « spoofing » d’un signal de localisation – qui consiste à substituer des coordonnées inexactes au signal GPS pour, littéralement, désorienter l’utilisateur (… ou le missile.)

Pour toutes ces raisons, le spatial est l’une des premières applications des « cyber-ranges4 », ces outils informatiques qui permettent de travailler sur un double digital5 du système réel, qui en modélise toutes les caractéristiques techniques, et qui peut être « attaqué » sans risquer d’endommager la constellation opérationnelle : Ils sont utilisés pour déceler, et remédier à leurs faiblesses durant les phases de définition des besoins et spécifications fonctionnelles, de conception et de production, puis pour entrainer les opérateurs de satellites à faire face et répondre à des attaques une fois qu’ils sont opérationnels.

L’Agence spatiale européenne est dotée d’un « cyber-range » parmi les plus performants du secteur6, de même que la NASA7 et que l’Agence du programme spatial de l’Union européenne. Aujourd’hui, ils permettent de soumettre les systèmes comme Galileo ou Copernicus à des cyberattaques, comme par exemple un envoi massif et automatique de signaux pour saturer les ports d’entrée des composants électroniques des satellites ou des ordinateurs des centres de contrôle, ou encore des tentatives d’intrusions par des « hackers ».

Pour être efficaces, les « cyber-ranges » doivent être mis à jour continuellement pour tenir compte de nouvelles techniques utilisées par des individus ou des organisations malveillants. L’étude de ces techniques repose d’une part sur des moyens automatiques de surveillance des réseaux électroniques, de l’internet et des moyens de communication entre les multiples éléments d’un système spatial : entre stations sols et satellites, ou entre satellites ; et d’autre part, sur des analyses de risques qui font appel à des connaissances expertes et spécifiques maitrisées seulement par un petit nombre de spécialistes. En effet, les événements réels comme les cyberattaques en Ukraine mentionnées plus haut, sont étudiés et documentés. Les conclusions que tirent les experts de ces études sont formalisées dans un langage informatique, par exemple un langage logique, que les algorithmes d’intelligence artificielle seront à même d’exploiter en cas de nouvelles attaques, afin de faciliter la réponse à ces événements à venir : si, par exemple, ils « ressemblent » à des actes passés, les solutions trouvées précédemment seront proposées et testées en priorité.

Récemment, la Commission européenne a lancé le projet « Horizon Europe » intitulé DYNAMO. Ce projet étudie les apports de l’« IA » pour affiner les procédures de reprise d’activités et assurer la continuité des opérations comme suite à une cyberattaque, en proposant une sorte de « système expert », interfacé avec le cyber-range de RHEA8 (qui est celui utilisé par l’Agence spatiale européenne).

Ce module expert est alimenté par le savoir des meilleurs experts européens du secteur à protéger (dans le cadre de notre sujet, le spatial), ainsi que par les mesures de trafic de données réalisées en temps réel sur les réseaux informatique comme présenté ici9.

Là encore, nous sommes en présence d’un domaine d’application, le spatial, favorable à la mise en œuvre d’outils de l’« IA » : le besoin d’intégrer à la fois des informations symboliques à fort contenu sémantique (ces connaissances expertes, y compris les enseignements tirés d’événements passés), avec d’autres à faible contenu sémantique mais extrêmement nombreuses (les mesures et observation en temps réel de données transitant sur les réseaux spatiaux de communication et l’internet.)

Michel BOSCO pour    et   

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