IA et agriculture

Contexte

L’agriculteur et l’éleveur ont toujours eu pour objectif de sécuriser leurs rendements. A travers les siècles, les rendements se sont améliorés grâce à l’amélioration des pratiques, la mécanisation, la génétique et la chimie. Vers la fin du 20ème siècle, des expérimentations extensives des centres de recherches et centres techniques à travers le monde, ont permis d’identifier pour chaque type de production et géographie des itinéraires technique optimaux pour garantir une bonne production. Ceci a permis à un grand nombre d’agriculteurs et d’éleveurs d’améliorer leur production. En parallèle, les premiers ordinateurs ont augmenté les capacités de calcul, permettant ainsi de générer les premières équations empiriques ou physiques pour décrire des processus intervenant dans la croissance des plantes, leur interaction avec leur environnement, l’impact des facteurs biotiques et abiotiques sur la performance des cultures et des élevages … On commence à utiliser l’intelligence artificielle, sans la nommer ainsi, dans le domaine de l’agriculture. Cette connaissance, qui s’est accumulée depuis les années 50 jusqu’à nos jours, n’est pas encore entièrement mise à profit et nos agriculteurs n’ont pas accès encore de façon efficace à cette richesse qui réside encore majoritairement dans des papiers scientifiques et les ordinateurs des chercheurs, et quelques services réservés à une élite technophile.

Aujourd’hui, l’agriculteur n’est plus confronté uniquement à son objectif de production. Il doit aussi répondre à une demande sociétale croissante de produire des aliments sains, sans résidus chimiques, qualitatifs, dont la production a respecté l’environnement. Il doit aussi répondre à une politique globale de réduction de gaz à effet de serre et de préservation des sols agricoles. L’agriculture étant responsable de 24% de ces émissions, elle est particulièrement attendue sur ces sujets.

L’agriculteur se retrouve donc face un problème multifactoriel à résoudre, avec une forte incertitude liée à une météorologie future qui, non seulement n’est pas reproductible d’année et en année, mais qui en plus varie significativement dû au changement climatique qui accentue les évènements extrêmes tels que la grêle, le gel tardif, les pics de chaleurs et les pluies intenses.

LIntelligence Artificielle est, de mon point de vue, le seul moyen pour tenir compte de lensemble des facteurs et leurs interactions qui conditionnent la prise de décision dun agriculteur ou dun éleveur pour minimiser son risque face à lincertitude de son activité, respecter la durabilité de ses sols, de son environnement, et assurer la qualité et la quantité de sa production pour pouvoir en vivre durablement.

Applications de l’IA en agriculture

L’agriculteur, s’il cultive des grandes cultures tels que du blé, du maïs, des  légumineuses a besoin de prendre les décisions successives durant l’année sur le mode de labour à suivre, la date de semis optimale, la variété adaptée, la meilleure date et quantité de fertilisant qu’il soit organique ou chimique, s’il est irrigant, la meilleure date et quantité d’eau à apporter, qu’il soit en bio ou conventionnel, quel traitement appliquer et quand, faut-il protéger ses cultures d’un coût de chaleur pendant l’été, quand récolter, comment gérer ses rotations de cultures…

S’il est arboriculteur ou viticulteur, il a besoin en plus de piloter les qualités gustatives des fruits, de leur coloration, de leurs taux de sucre et d’acidité, de l’optimisation de leur récolte, ainsi que la gestion des inter-rangs …

L’IA a déjà permis d’avoir des services à disposition des agriculteurs mais qui ne sont pas encore utilisés à large échelle, en voici quelques exemples d’application :

1. Outils d’aide à la décision pour piloter et prédire la croissance des plantes ainsi que leur risque sanitaire.

Ce sont des solutions souvent basées sur des approches d’IA qui ont besoin comme données d’entrée, la météo, les caractéristiques du sol et le type de culture plantée. Il existe une multitude d’outils sur le marché :

  • Outils de pilotage de l’irrigation et la fertilisation de la vigne (Vintel ®, Oenoview®)
  • Outils de pilotage de l’irrigation, la fertilisation et le traitement des grandes cultures (CropWin®, Farmstar®)
  • Outil d’optimisation des traitements des cultures (Movida®, Xarvio®)
  • Outils de pilotage de l’irrigation des arbres fruitiers (Ceres imaging®, Vintel Orchards®)
2. Les services basés sur des données provenant de capteurs

Des capteurs peuvent être installés à la parcelle comme des stations météo, des sondes d’humidité du sol, à distance, comme les drones et les satellites. Ces capteurs mesurent des paramètres qui permettent de déduire des besoins de la culture à l’aide de modèles d’intelligence artificielle.

  • Une image satellite ou de drone permet de détecter l’état de santé d’une parcelle, son homogénéité, pour prendre des décisions sur la fertilisation ou le traitement ou la date de récolte d’une culture
  • Une station météo détecte la température, l’humidité, le rayonnement solaire, la vitesse et la direction du vent, ainsi que la pluviomé Des combinaisons d’approche d’IA permettent d’utiliser ces mesures pour prédire les stades de croissance des cultures, des risques maladie, des besoins en irrigation …
  • Des sondes d’humidité dans le sol permettent par des approches d’IA de déterminer les besoins en eau des cultures.
3. Les robots

Depuis 2018, plus de 200 millions de dollars ont été investis dans la robotique pour l’agriculture pour automatiser des pratiques jusque-là opérées par des humains.

Les robots permettent d’automatiser des taches répétitives qui demandent de la main d’œuvre intensive. Ces robots sont équipés par des caméras ou autre type de capteurs et embarquent des logiciels d’IA qui interprètent ces images ou les données mesurées pour générer un ordre de mouvement ou d’action au robot. Voici les taches robotisées les plus communes en agriculture :

  • La récolte et la cueillette sont les applications les plus populaires garce à leur précision et leur limitation des pertes laissées sur les parcelles. La reconnaissance et l’analyse des formes et des couleurs de maturité par IA permettent sélective et précise (Panasonic, Aisprid, Virgo de RobotAI…).
  • Le contrôle des mauvaises herbes par les robots permet un traitement mécanique ou chimique des mauvaises herbes. (Naïo technologies, Farmdroïd, Ecorobotix…)
  • Taille, semis, traitements …

La combinaison de l’ingénierie mécanique de pointe, de l’IA, du développement de logiciels et de la technologie de détection est la clé pour développer des robots agricoles performants qui peuvent efficacement remplacer ou compléter le travail humain.

4. Application de l’IA en élevage

En élevages porcin, aviaire, et bovin, l’IA permet par des approches d’interprétation de signaux ou d’images, de suivre de façon individualisée ou groupée, les comportements d’un animal qui sont des indicateurs qui guident les décidions des éleveurs.

Par exemple, un éleveur de vaches laitières a besoin de décider du meilleur moment pour l’inséminer, de gérer son alimentation que ce soit en pâturage ou en bâtiment, de prévenir ou détecter tôt ses maladies, de maitriser sa mise bas pour éviter la mortalité du vaux et de la mère, de contrôler son confort qui est directement lié à sa productivité, d’éviter que la chaleur impacte sa production de lait … L’IA apporte une réponse d’une grande précision pour éclairer les éleveurs dans leurs décisions, que ce soit à travers des capteurs posés sur la vache, ou dans son rumen ou des caméras dans les étables.

Voici les capteurs qu’on retrouve sur le marcher, dont les mesures, valorisées par l’IA permettent d’offrir des services qui boostent la productivité des élevages :

  • Capteurs en étables: Caméras (visible et infrarouge), capteurs de température et humidité, de mesure de méthane, de dosage d’aliments, de consommation en eau …
  • Capteurs sur ou dans lanimal: accéléromètres, détecteurs de mouvement, podomètres, microphones, thermomètres …

 

Ce n’est que le début …

L’IA offre une opportunité réelle pour l’amélioration de la performance agricole tout en respectant l’environnement, et en limitant les risques pris par les agriculteurs dans leurs décisions quotidiennes. Nous ne sommes qu’au début de ce que l’IA peut offrir à l’agriculture, et elle va indéniablement jouer un rôle important dans la transition de cette agriculture vers un moyen d’alimenter la population grandissante sans épuiser les ressources que nous offre notre planète. Elle va permettre d’un côté d’ajuster les pratiques agricoles au changement climatique mais aussi et surtout elle va permettre d’aller vers des pratiques agricoles moins émettrices de gaz à effet de serre et donc limiter son impact sur le changement climatique.

ALINE BSAIBES
EXPERTE IA & AGRICULTURE
 

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